Le temps-mort

Tempsmort 1

Le temps mort consiste généralement à isoler l’enfant dans le coin de la pièce, sur une chaise dédiée, ou encore dans sa chambre pour une période de quatre à cinq minutes ou jusqu’à ce qu’il/elle se soit calmé(e). Le but recherché est une situation ennuyeuse sans stimulation et sans attention de la part de son entourage.

Les approches utilisant le temps mort sont souvent inspirées du « modèle Hanf »1. Elles ont comme points communs (1) d’encourager les parents à féliciter et à porter de l’attention aux comportements coopératifs de l’enfant ; (2) de poser des limites et des règles claires et (3) d’appliquer des conséquences non violentes comme un temps mort de quatre à cinq minutes (ou parfois la confiscation d’objet) en cas de non-respect de ces règles. Les interventions connues, qui ont montré leur efficacité sur des enfants à partir d’un an, sont le « programme de parentalité positive » (Positive Parenting Program, connu aussi comme le triple P)2–4 ; « les années incroyables » (The Incredible Years)5,6 ou encore la thérapie d'interaction parent–enfant (Parent–Child Interaction)7–11. Dans tous ces programmes, l’utilisation adéquate du temps mort s’avère efficace pour obtenir l’obéissance aux règles de la part de l’enfant.

Inquiétudes et précisions concernant la méthode du temps-mort

La méthode du temps mort peut causer plusieurs inquiétudes :

  • la punition ne règle pas le problème sous-jacent. Par exemple, un refus de faire ses devoirs peut indiquer des troubles de l’apprentissage, une anxiété, un manque de compréhension ou une réponse émotionnelle à un évènement de la journée qui n’a rien à voir avec le devoir en question. Le fait d’isoler l’enfant ou de lui confisquer quelque chose ne va alors pas l’aider à résoudre ce type de problème ou à réussir à l’école, même s’il finit par faire ses devoirs ;
  • l’isolement peut conduire l’enfant à apprendre à éviter la punition plutôt qu’à adopter le comportement attendu. Par exemple, il pourrait apprendre à mentir12 ;
  • l’isolement pourrait à la longue diminuer la motivation intrinsèque ou le bien-être de l’enfant ;
  • l’enfant peut aussi apprendre à éviter ses « bourreaux », et que ses parents ou ses enseignants ne sont pas les bonnes personnes avec qui communiquer pour se sentir soutenu, ce qui peut nuire à leur relation.

Il faut noter que ces inquiétudes sont amoindries dans un contexte de style parental démocratique et qu’aucune conséquence néfaste de l’utilisation du temps mort dans ce contexte n’a été démontrée1,13,14. Et pourtant, des études récentes sur le sujet suggèrent que de nombreux parents considèrent le temps mort comme une méthode peu efficace15,16. Mais, il y a un « Mais » ! Ces mêmes études suggèrent aussi que de nombreux parents n’appliquent pas la technique correctement, justifiant plusieurs recommandations pour une utilisation adéquate du temps mort :

  • Le temps mort n’est efficace que dans le cas du style parental démocratique.

La plupart des critiques contre le temps mort présupposent souvent que cette stratégie est utilisée seule. Cependant, les recherches ne démontrent l’efficacité du temps mort sur le long terme que lorsqu’il est utilisé dans un environnement bienveillant favorisant l’écoute des émotions et des besoins de l’enfant15,17. Autrement dit, en parallèle du temps mort, il est important de favoriser les « temps vivants ». Il est aussi important de reconnaître pour quel type de comportement le temps mort est approprié, à savoir si l’enfant est agressif, fait une crise de caprice ou désobéit ouvertement. Le temps mort n’est pas une stratégie à utiliser lorsque l’enfant est triste ou anxieux15,17 ;

  • le temps mort est beaucoup plus efficace s’il est appliqué juste après le comportement que l’on souhaite voir disparaître16,18.

C’est pour ça qu’il peut être conseillé aux parents d’éviter les avertissements multiples, les explications longues ou les remontrances avant d’appliquer le temps mort, étant donné que ça le retarde, diminuant ainsi son efficacité. Il est important de bien préciser quel est le comportement puni, mais surtout sans étiqueter l’enfant (par exemple en lui disant « Tu es très vilain(e) ! »). L’enfant est simplement informé que son comportement est inapproprié et que la conséquence est un temps mort17.

Concrètement : juste avant le temps mort, il est conseillé de se limiter à un seul bref avertissement sur un ton neutre (par exemple : « Si tu n’arrêtes pas tout de suite, tu iras en temps mort »), de nommer ensuite le comportement rapidement, toujours en restant neutre (par exemple, « On ne frappe pas, temps mort »), enfin d’envoyer ou d’escorter l’enfant au temps mort15 ;

  • il est important de s’assurer que l’enfant ne reçoit bien aucune stimulation pendant son temps mort15,17.

Il faut donc éviter les remontrances ou les explications pendant son temps mort et, s’il a lieu dans sa chambre, faire bien attention qu’il n’en profite pas pour jouer. Il est conseillé d’ignorer ce que fait l’enfant (cris, pleurs, rires, supplications, moqueries, remue-ménage) aussi longtemps qu’il reste en sécurité et qu’il ne quitte pas sa zone de temps mort.

Concrètement : Durant le temps mort, limiter l’accès à de quelconques activités, objets ou sources d’attention. En général, on place l’enfant sur une chaise dédiée, le coin de la pièce, le couloir ou tout autre endroit ennuyeux19 ;

  • le temps mort est beaucoup plus efficace si sa durée est déterminée par les parents plutôt que par l’enfant17,19,20.

Concrètement : Mettre fin au temps mort après deux ou quatre minutes (le conseil d’une minute par tranche d’âge n’a pas été testé expérimentalement, mais ne semble pas contre-indiqué). S’assurer que l’enfant est calme avant de finir le temps mort, sinon il peut tendre à se montrer de nouveau perturbateur l’instant d’après15. Signaler la fin du temps mort avec une brève explication (par exemple, « Tu as été calme, alors le temps mort est fini. Tu étais au coin, car tu as frappé ton frère »). Si le temps mort a été donné pour refus de suivre une consigne, reformuler votre instruction et si la désobéissance persiste, refaire un temps mort ;

  • si l’enfant quitte le temps mort sans permission, plusieurs stratégies existent, mais la littérature scientifique reste assez maigre sur le sujet :
  • le maintenir physiquement semble être peu efficace et provoquer plus d’évasion21. Cette méthode est par ailleurs difficile à mettre en place, certains enfants mettant plus de 20 minutes avant de se calmer lorsqu’ils sont maintenus. Il faut aussi davantage d’incidents avant de voir le comportement problématique disparaitre22 ;
  • isoler l’enfant dans une pièce sécurisée (sa chambre ou autre)23
  • ignorer l’enfant et lui confisquer des jouets ou des privilèges tant que le temps mort n’a pas été effectué24 ou qu’il ne se met pas à suivre les instructions25,26.
  • la fessée peut réduire le non-respect du temps mort à très court-terme21. Toutefois, cette technique bafoue les droits de l’enfant, n’est pas plus efficace que d’autres techniques et s’avère contre-productive et nuisible pour l’enfant sur le long terme19,27,28 (voir la section sur la fessée)

Références

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Date de dernière mise à jour : 05/11/2021